La Directive 2001/55/CE du conseil du 20 juillet 2001 relative à des normes minimales pour l’octroi d’une protection temporaire en cas d’afflux massif de personnes déplacées et à des mesures tendant à assurer un équilibre entre les efforts consentis par les états membres pour accueillir ces personnes et supporter les conséquences de cet accueil, a été adoptée après le conflit en ex-Yougoslavie. Son article 5 prévoit qu’en cas d’afflux massif de personnes déplacées, une protection temporaire pourra être mise en œuvre dans tous les Etats membres.
A la suite de l’invasion de l’Ukraine par les forces militaires de la Fédération de Russie le 24 février 2022, des milliers d’Ukrainiens ont fui leur pays pour rejoindre un pays de l’Union européenne.
Dans son scénario le plus pessimiste, le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés estime que jusqu’à 4 millions de personnes pourraient fuir l’Ukraine lors de ce conflit.
La Commission européenne considère quant à elle qu’environ « la moitié des personnes déplacées devraient être prises en charge par les importants réseaux existants de la diaspora un peu partout dans l’UE et exploiteront les possibilités de migration légale, principalement, mais pas uniquement, dans les pays de destination «traditionnels» (Pologne, République tchèque, Allemagne, Italie et Espagne), sans qu’aucune pression soit exercée sur la capacité d’accueil de ces pays. L’autre moitié, entre 1,2 million et 3,5 millions de personnes, pourrait demander une protection internationale sur une période de deux ans. » (Proposition de décision de la Commission européenne).
C’est dans ce contexte que le Conseil de l’Union européenne a adopté, le 4 mars 2022, une décision d’exécution constatant l’existence d’un afflux massif de personnes déplacées en provenance d’Ukraine et instaurant, en conséquence, une protection temporaire (Décision d’exécution (UE) 2022/382 du conseil du 4 mars 2022 constatant l’existence d’un afflux massif de personnes déplacées en provenance d’Ukraine, au sens de l’article 5 de la directive 2001/55/CE, et ayant pour effet d’introduire une protection temporaire).
Cette protection temporaire a donc pour objectif d’éviter la saturation des régimes d’asile des Etats membres tout en offrant une protection rapide liée à l’urgence de la situation.
En France, cette protection est régie par les articles L.581-1 à L.581-10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers (CESEDA).
Les conditions d’octroi
Les Ukrainiens bénéficient d’un régime d’exemption de visa. Ils peuvent donc circuler librement après avoir été admis sur le territoire de l’Union européenne pendant 90 jours. Ils pourront donc rejoindre leur famille et leurs amis et solliciter la protection temporaire dans l’Etat membre de leur choix.
L’article 2 de la décision du Conseil désigne les personnes auxquelles la protection temporaire sera accordée.
Ainsi, pourront bénéficier de cette protection :
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- Les ressortissants ukrainiens, qui résidaient en Ukraine au moment de l’invasion et qui ont été déplacés à partir du 24 février 2022 ;
- Les ressortissants de pays tiers bénéficiant du statut de réfugié ou d’une protection équivalente, et les apatrides, qui résidaient en Ukraine et qui ont été déplacés à partir du 24 février 2022 ;
- Les ressortissants de pays tiers ou apatrides détenteur d’un titre de séjour permanent en cours de validité et qui ne sont pas mesure de retourner dans leur pays ou leur région d’origine, dans des conditions sûres et durables.
- Les membres de la famille des personnes bénéficiant d’une protection en Ukraine à condition que la famille était déjà présente et résidait en Ukraine avant le 24 février 2022.
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Par ailleurs, la décision du Conseil de l’UE laisse la possibilité aux Etats membres d’appliquer la protection temporaire à d’autres personnes en séjour régulier en Ukraine qui ont été déplacées à partir du 24 février 2022.
En outre, la Commission européenne encourage à protéger les personnes ayant fui l’Ukraine peu avant le 24 février 2022.
S’agissant des personnes déplacées ne répondant pas aux critères d’octroi d’une protection temporaire, la décision du Conseil prévoit qu’elles doivent être admises dans l’Union européenne pour des raisons humanitaires (sans critère de visa, de moyens de subsistance ou de document de voyage en cours de validité) afin d’assurer leur transfert dans leur pays ou région d’origine.
Les causes d’exclusion
Afin de maintenir l’ordre public, sont exclues de la protection temporaire les personnes déplacées dont on a des raisons sérieuses de penser :
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- qu’elles ont commis un crime contre la paix, un crime de guerre ou un crime contre l’humanité,
- qu’elles ont commis un crime grave de droit commun en dehors de l’État membre d’accueil avant d’y être admises en tant que bénéficiaires de la protection temporaire;
- ou qu’elles ont été jugées coupables d’agissements contraires aux buts et aux principes des Nations unies.
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Les personnes déplacées dont on a des motifs raisonnables de penser qu’elles représentent un danger pour la sécurité de l’État membre d’accueil ou qu’elles constituent une menace pour la communauté de cet État membre d’accueil peuvent également être exclues.
En France, l’article L581-5 du CESEDA prévoit les causes d’exclusions de cette protection et dispose :
« Un étranger peut être exclu du bénéfice de la protection temporaire dans les cas suivants :
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- 1° Il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu’il ait pu commettre un crime contre la paix, un crime de guerre, un crime contre l’humanité ou un crime grave de droit commun commis hors du territoire français, avant d’y être admis en qualité de bénéficiaire de la protection temporaire, ou qu’il s’est rendu coupable d’agissements contraires aux buts et aux principes des Nations unies ;
- 2° Sa présence en France constitue une menace pour l’ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l’Etat. »
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La durée de la protection
La protection temporaire dure, en principe, un an et peut être prorogée automatiquement par périodes de six mois pour une durée maximale d’un an.
La Commission peut à tout moment proposer au Conseil d’y mettre fin en se fondant sur la constatation que la situation en Ukraine permet un retour sûr et durable des personnes (Article 6 de la directive 2001/55/CE ). Elle peut également proposer au Conseil de prolonger la protection pour une durée maximale d’un an.
Droits ouverts
Cette protection permet de bénéficier des droits sociaux de l’Etat membre ayant délivré le titre de séjour.
Ainsi, les bénéficiaires d’une protection ont :
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- Accès au marché du travail sous réserve des politiques du marché du travail des Etats membres,
- Accès au logement,
- Accès à une aide sociale,
- Accès à une aide médicale
- Accès à l’éducation pour les mineurs et, pour les mineurs non accompagnés, un droit à une tutelle légale.
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De plus, les personnes protégées ont le droit de voyager au sein de l’Union pendant 90 jours sur une période de 180 jours.
Articulation avec les autres systèmes de protection
S’il existe un système de protection temporaire national plus favorable l’Etat membre peut continuer de l’appliquer. En revanche, s’il existe un système moins favorable l’Etat membre doit garantir les droits supplémentaires prévus dans la directive.
En France, l’article L581-4 du CESEDA éclaire l’articulation entre la protection temporaire et le système d’asile et dispose que :
« Le bénéfice de la protection temporaire ne préjuge pas de la reconnaissance du statut de réfugié au titre de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés.
Le bénéfice de la protection temporaire ne peut être cumulé avec le statut de demandeur d’asile. L’étranger qui sollicite l’asile reste soumis au régime de la protection temporaire pendant l’instruction de sa demande. Si, à l’issue de l’examen de la demande d’asile, le statut de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire n’est pas accordé à l’étranger bénéficiaire de la protection temporaire, celui-ci conserve le bénéfice de cette protection aussi longtemps qu’elle demeure en vigueur. »
Bibliographie et liens utiles
Décision d’exécution (UE) 2022/382 du conseil du 4 mars 2022 constatant l’existence d’un afflux massif de personnes déplacées en provenance d’Ukraine, au sens de l’article 5 de la directive 2001/55/CE, et ayant pour effet d’introduire une protection temporaire, disponible :
https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32022D0382&from=EN
Proposition de décision d’exécution du conseil constatant l’existence d’un afflux massif de personnes déplacées en provenance d’Ukraine, au sens de l’article 5 de la directive 2001/55/CE du Conseil du 20 juillet 2001, et ayant pour effet d’introduire une protection temporaire, disponible :
https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:52022PC0091&from=EN
Directive 2001/55/CE du conseil du 20 juillet 2001 relative à des normes minimales pour l’octroi d’une protection temporaire en cas d’afflux massif de personnes déplacées et à des mesures tendant à assurer un équilibre entre les efforts consentis par les états membres pour accueillir ces personnes et supporter les conséquences de cet accueil
Fiches pratiques de la commission européenne sur la protection temporaire disponibles en français/anglais/ukrainien/allemand disponible : https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/fs_22_1472
Légifrance, articles L581 à L581-10 CESEDA :
https://www.legifrance.gouv.fr/codes/section_lc/LEGITEXT000006070158/LEGISCTA000042772644/