La loi n° 2014-896 du 15 août 2014 « relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales », entrée en vigueur le 1er octobre 2014, a été adoptée en vue de lutter contre la récidive.
Cette loi comporte une avancée majeure en ce qu’elle donne, pour la première fois, une définition de la peine.
L’article 132-1 du code pénal dispose ainsi que :
“Afin d’assurer la protection de la société, de prévenir la commission de nouvelles infractions et de restaurer l’équilibre social, dans le respect des intérêts de la victime, la peine a pour fonctions :
1° De sanctionner l’auteur de l’infraction ;
2° De favoriser son amendement, son insertion ou sa réinsertion “.
Cette loi supprime également le mécanisme des « peines planchers » et crée une nouvelle peine : la contrainte pénale.
Un an après, l’on peut faire le point sur cette nouvelle peine qui est finalement peu prononcée. En effet, les magistrats sont réticents à sa mise en place. Moins de 1000 contraintes pénales ont été prononcées contre une prévision de 8 000 à 20 000 par an.
Cette frilosité des magistrats à prononcer cette peine s’explique sans doute par l’absence de recul sur l’exécution de la condamnation. De plus, la frontière entre la contrainte pénale et le sursis avec mise à l’épreuve n’est pas très nette.
Qu’est-ce que la contrainte pénale ?
La contrainte pénale est une peine correctionnelle prévue par l’article 131-3 2° et suivants du code pénal, l’article 713-42 et suivants du code de procédure pénale et l’article 20-4 de l’ordonnance de 1945 n°45-174 du 2 février 2945 relative à l’enfance délinquante.
Sur l’échelle des peines, elle vient juste après l’emprisonnement.
Elle est définie par l’article 131-4-1 du code pénal :
« La contrainte pénale emporte pour le condamné l’obligation de se soumettre, sous le contrôle du juge de l’application des peines, pendant une durée comprise entre six mois et cinq ans et qui est fixée par la juridiction, à des mesures de contrôle et d’assistance ainsi qu’à des obligations et interdictions particulières destinées à prévenir la récidive en favorisant son insertion ou sa réinsertion au sein de la société ».
C’est une peine de probation dont la durée varie entre 6 mois et 5 ans. Elle permet à l’auteur d’une infraction d’exécuter les sanctions et mesures prononcées à son encontre en « milieu ouvert », c’est-à-dire en dehors de la prison.
À qui s’adresse la contrainte pénale ?
La contrainte pénale ne peut être prononcée qu’à l’égard de personnes majeures ayant commis un délit passible d’une peine d’emprisonnement de moins de 5 ans. Pour l’instant, ne sont concernés que les auteurs de délit comme le vol simple, les dégradations, les délits routiers, les violences.
Cependant, à partir du 1er janvier 2017, tous les délits seront concernés. En effet, l’article 20 de la loi du 15 août 2014 prévoit :
« Dans les deux ans suivant la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet un rapport au Parlement étudiant la possibilité de sanctionner certains délits d’une contrainte pénale à titre de peine principale, en supprimant la peine d’emprisonnement encourue, et évaluant les effets possibles d’une telle évolution sur les condamnations prononcées ainsi que ses conséquences sur la procédure pénale ».
En lien direct avec le principe d’individualisation des peines, la contrainte pénale n’est prononcée qu’au cas par cas. Les juridictions ne peuvent l’envisager que, lorsque les faits, la personnalité et la situation matérielle, familiale et sociale de l’auteur de l’infraction, punie d’une peine d’emprisonnement d’une durée inférieure ou égale à cinq ans, le justifient.
Cette nouvelle peine vise la réinsertion sociale des personnes les plus instables. En général, ces personnes ont déjà des casiers judiciaires chargés et les moyens de probation ont échoué. La contrainte pénale est donc la dernière chance avant l’incarcération.
Quel est le chemin procédural de la contrainte pénale ?
La contrainte pénale peut être mise en place dès le prononcé de la peine, pour une durée allant de 6 mois à 5 ans. Son contenu peut être déterminé au cours du procès ou par le Juge d’application des peines (JAP).
Au nom du principe de l’individualisation des peines, le prononcé de la contrainte pénale s’appuie sur la personnalité et la situation du condamné. À ce titre, le Tribunal correctionnel détermine les obligations et interdictions et la durée de la peine. Il doit également se prononcer sur la durée de l’emprisonnement encouru en cas de manquement à la contrainte pénale.
Si les informations à l’égard du condamné sont insuffisantes, c’est le service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP) qui évalue la situation du condamné. Un rapport comportant des propositions sont adressées au juge d’application des peines pour définir le contenu de la contrainte pénale. La décision du juge d’application des peines doit intervenir dans un délai de 4 mois après la condamnation.
En vertu de l’article 132-45 du code pénal, les obligations et interdictions imposées doivent être en lien avec l’infraction pour laquelle la personne a été condamnée. Il peut s’agir d’une obligation d’exercer une activité professionnelle ou de suivre une formation professionnelle, d’établir sa résidence en un lieu déterminé, d’accomplir un stage de citoyenneté, ou l’interdiction de porter une arme, ou encore, de fréquenter un lieu déterminé, débits de boissons notamment. D’autres alternatives s’offrent au juge comme la condamnation à un travail d’intérêt général prévu par l’article 131-8 du code pénal ou encore l’injonction de soins selon les conditions prévues par le code de la santé publique.
Un programme de suivi et de contrôle est ainsi mis en place pour que le condamné évite la récidive. Néanmoins, en cas de non-respect de la contrainte pénale, le juge d’application des peines peut, à tout moment, d’office ou sur réquisitions du procureur de la République, modifier, supprimer ou compléter le contenu de la contrainte pénale.
Si l’intervention du juge d’application des peines s’avère encore insuffisante, il peut convoquer le Président du Tribunal d’instance pour que soit exécutée la mesure d’emprisonnement prononcée lors du jugement de condamnation initial. Cette peine d’emprisonnement ne saurait excéder la durée maximale de la peine encourue.
Dans quelles conditions s’exécutent les mesures de la contrainte pénale ?
Inspirée par les modèles anglo-saxons, fondés sur trois principes, risque – besoin – réceptivité, l’exécution de la contrainte pénale requiert une approche pragmatique des conseillers d’insertion.
Ainsi, une fois la contrainte pénale prononcée, le SPIP accompagne les personnes condamnées. Ce service contrôle le bon respect des obligations qui ont été imposées par la justice et assure une prise en charge personnalisée.
Tous les 15 jours, le condamné a rendez-vous avec son conseiller pour faire le point. Au cours de cet entretien périodique, le condamné et le conseiller reprennent dans les moindres détails la vie et le parcours judiciaire du condamné. Ce dernier peut ainsi se rendre compte de sa situation et définir un nouveau projet d’insertion.
Au moins une fois par an, le SPIP est tenu de faire un rapport de tous ces entretiens au juge d’application des peines. Au plus près de la personnalité du condamné, le juge d’application des peines peut alors ajuster le contenu de la contrainte pénale.
Quelle est la différence entre la contrainte pénale et le sursis avec mise à l’épreuve ?
Le sursis avec mise à l’épreuve (SME) permet d’exécuter une peine d’emprisonnement en dehors de la prison. Prévue par l’article 132-40 du code pénal, ce n’est pas une peine à part entière.
Le sursis mise à l’épreuve ne peut être prononcé que lorsque la peine d’emprisonnement qui est prononcée – et non la peine encourue – est inférieure à cinq ans, qu’il s’agisse d’un crime ou d’un délit.
Comme la contrainte pénale, le sursis mise à l’épreuve vise à réintégrer le condamné dans la société, à condition qu’il respecte certaines obligations qui lui sont imposées par le tribunal correctionnel ou par le juge d’application des peines. En revanche, le sursis mise à l’épreuve n’exige pas un suivi renforcé et personnel du condamné par les conseillers du SPIP.
En ce qui concerne la durée de la mise en œuvre, elle est de 1 à 3 ans contre 6 mois à 5 ans en matière de contrainte pénale. Et pour ce qui est de la révocation du sursis, la justice bénéficie d’une assez grande marge de manœuvre car elle peut avoir lieu aussi bien à l’initiative du Tribunal que du juge d’application des peines.
En somme, la contrainte pénale est une peine qui se veut plus proche de la personnalité du condamné. En vigueur depuis moins d’un an, elle a pour ambition de remplacer le sursis avec mise à l’épreuve et devenir ainsi la norme.
Pour en savoir plus:
– Loi n° 2014-896 du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales instituant la contrainte pénale: cliquez ici
– Circulaire du 26 septembre 2014 de présentation des dispositions de la loi n° 2014-896 du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales instituant la contrainte pénale: cliquez ici