Qu’est-ce que la compétence universelle de la France ?
En droit français, la capacité de nos juges à se saisir d’une affaire est encadrée par des principes que sont la compétence territoriale et la compétence matérielle.
Le premier principe, appelé compétence rationae loci, permet de déterminer le tribunal géographiquement compétent en au regard du domicile du défendeur, de la victime, du siège social d’une entreprise, etc.
Le second principe, dit compétence rationae materiae, détermine la compétence du tribunal selon la nature du litige qui est lui est présenté. Ainsi le Conseil des Prud’hommes sera compétent pour juger des litiges entre un salarié et son employeur, et non pour juger un délit ou un crime qui seront du ressort d’un Tribunal correctionnel ou de la Cour d’assises.
La compétence universelle permet à un Etat de juger des crimes les plus graves, tels que les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre, et les actes de torture, qui ont été commis hors de son territoire.
Ainsi, les victimes peuvent saisir les juridictions françaises lorsque les juridictions nationales, dont dépend le lieu de la commission de l’infraction, ne sont pas en mesure d’engager des poursuites (une situation courante dans les régions les plus instables du monde) et que les juridictions internationales ne sont pas compétentes.
Cette compétence peut être absolue (par exemple en Belgique, où les juridictions peuvent se déclarer compétentes alors que l’infraction n’a aucun lien avec la Belgique) ou relative, c’est-à-dire conditionnée à la nature de l’infraction ainsi qu’à certains critères tels que la présence de l’auteur sur le territoire national, comme c’est le cas dans la législation française.
Depuis la loi du 9 août 2010, l’article 689-11 donne compétence à la France pour juger des crimes relevant de la compétence de la Cour pénale internationale, c’est-à-dire les génocides, les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité et, depuis 2010, les crimes d’agression. Il pèse sur cette compétence un régime plus strict qui n’admet pas comme suffisant la seule présence de la personne visée par les poursuites sur le territoire national contrairement aux autres dispositions. Cette compétence de la France est subordonnée à quatre conditions :
- Les poursuites peuvent uniquement être initiées par le Ministère public ;
- La personne qui fait l’objet de poursuites doit résider habituellement sur le territoire français ;
- Le principe de double incrimination rend impossible de telles poursuites dès lors qu’une juridiction internationale ou nationale se serait déjà saisie du dossier;
- Le principe de complémentarité des juridictions impose que la Cour pénale international décline expressément sa compétence et qu’aucune juridiction internationale compétente ou Etat n’ait demandé l’extradition de la personne concernée.
On notera qu’une proposition de loi tendant à modifier cet article, adoptée par le sénat le 26 février 2013, prévoit la suppression de ces trois dernières conditions, tout en conservant le monopole de poursuite du Ministère public.
L’article 22 de la loi n° 2011-1862 du 13 décembre 2011 relative à la répartition du contentieux et à l’allègement de certaines procédures juridictionnelles a instauré, au sein du Tribunal de grande instance de Paris, à l’instar du pôle financier ou du pôle anti-terroriste, un pôle judiciaire spécialisé, compétent pour instruire les crimes contre l’humanité. Ce pôle peut compter sur les diligences de l’Office central de lutte contre les crimes contre l’humanité, les génocides et les crimes de guerre de la Gendarmerie nationale pour enquêter sur les crimes commis par une personne résidant habituellement en France.